L’épidémie de covid-19 menace de contaminer les salariés, y compris sur le lieu de travail ou à l’occasion de leur travail.
En vertu de la loi, l’employeur doit prendre toutes « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
Des actions de prévention des risques professionnels […];
Des actions d'information et de formation ;
La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes » (article L4121-1 du code du travail).
Outre la mise en œuvre des recommandations sanitaires - gestes barrière, mesures de distanciation sociale, mise à disposition de gels hydroalcooliques, télétravail, etc. - il lui revient d’actualiser le document unique d’évaluation des risques professionnels (ci-après DUERP) dont l’existence au sein de l’entreprise est obligatoire, quelle que soit sa taille.
L’article L4121-3 du code du travail précise les modalités de l’obligation d’évaluation des risques pour la santé et la santé des travailleurs :
« L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.
À la suite de cette évaluation, l'employeur met en œuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement ».
Les articles R4121-1 à -4 du code du travail disposent notamment :
que l’« évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement » ;
et que le DUERP « est tenu à la disposition [des] travailleurs[, des] membres du [comité économique et social] ou des instances qui en tiennent lieu[, des] délégués du personnel[, du] médecin du travail[,] de l’inspection du travail […]. Un avis indiquant les modalités d'accès des travailleurs au document unique est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail. Dans les entreprises ou établissements dotés d'un règlement intérieur, cet avis est affiché au même emplacement que celui réservé au règlement intérieur ».
Selon une circulaire n° 6 DTR du 18 avril 2002, le DUERP :
« constitue un moyen essentiel de préserver la santé et la sécurité des travailleurs, sous la forme d'un diagnostic en amont - systématique et exhaustif - des facteurs de risques auxquels ils peuvent être exposés » ;
doit reposer « sur une approche globale et pluridisciplinaire - c'est-à-dire à la fois technique, médicale et organisationnelle » ;
« représente la première étape de la démarche générale de prévention qui incombe à l'employeur » ;
et « doit […] contribuer au dialogue social au sein de l'entreprise, sur l'évaluation elle-même, et au delà sur la conception et la réalisation des mesures de prévention qui devront, en tant que de besoin, faire suite à l'évaluation des risques » (page 1).
Sur la forme, le document doit fournir des garanties de cohérence, de commodité et de traçabilité.
Sur le fond, il doit inventorier et évaluer les risques – dangers ou facteurs de danger - professionnels liés à l’exposition au covid-19 pour la santé - physique et mentale - des salariés « dans tous les aspects liés au travail » (page 3).
Le ministère du travail décline le processus d’évaluation en 5 étapes :
1. de préparation de la démarche en définissant :
- les objectifs :
de prévention des risques ;
d’information et de formation des personnes concernées;
de « mise en place d’une organisation et de moyens adaptés » (article L4121-1 du code du travail) ;
- une méthode plurisectorielle, - technique, organisationnelle et médicale ;
- le rôle des acteurs internes ou externes, en particulier de l’association :
des institutions représentatives du personnel (ci-après IRP) « tant au regard de l’évaluation des risques que de la préparation des actions de prévention » (page 9) ;
de la médecine du travail en qualité de conseil ;
et des travailleurs eux-mêmes – permanents ou intérimaires, de l’entreprise ou d’entreprises extérieures - qui « disposent des compétences et de l’expérience de leur propre situation de travail et des risques qu’elle engendre » (page 9) ;
- et les moyens d’application (organismes de prévention, conseils, experts, etc.);
2. d’évaluation et d’analyse des risques en tenant compte des :
procédés de fabrication ;
équipements de travail ;
substances et préparations chimiques ;
aménagements des lieux ;
définitions et transformations de poste ;
et des situations concrètes de travail ;
3. d’élaboration d’un programme d’actions à même :
de combattre « les risques à la source »;
d’adapter le travail à chaque individu, « en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé »
de tenir compte des évolutions techniques ;
de remplacer « ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux »;
de planifier « la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, […] ainsi que ceux liés aux agissements sexistes » ;
de prendre « des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle » ;
et de donner « les instructions appropriées aux travailleurs » (article L4121-3 du code du travail) ;
4. de réalisation des actions programmées, lesquelles peuvent consister à :
modifier les consignes de travail ;
redéfinir des fiches de poste ;
déployer des moyens d’information et des programmes de formation;
réorganiser les conditions de travail ;
réaménager les locaux, etc.
5. et d’actualisation des risques :
chaque année
et suivant l’évolution des circonstances.
Plusieurs recours judiciaires à l’encontre d’employeurs accusés notamment :
de ne pas avoir associé les Instances Représentatives du Personnel (IRP) à la mise à jour du DUERP ;
et/ou de ne pas avoir procédé à une réévaluation suffisante des risques professionnels ;
ont donné lieu à des jugements de condamnation, parfois lourds de conséquences.
Bien qu’elles n’aient pas valeur de loi, ni de règlement, ces premières décisions judiciaires tendent à préciser les responsabilités de l’employeur en matière d’actualisation du DUERP.
L’ordonnance et l’arrêt Amazon des 14 et 24 avril 2020 (voir notre article sur l’affaire) ont insisté en particulier sur :
la participation des IRP - voire des services de la médecine du travail - au processus d’évaluation et de prévention des risques;
la formation des salariés, voire des intervenants extérieurs, aux mesures de prévention – en plus de leur information;
et la considération des risques psycho-sociaux liés à l’épidémie (changements organisationnels, craintes de contamination, nouvelles contraintes de travail, etc.).
Le 9 avril 2020, le président du tribunal judiciaire de Paris a rendu une ordonnance de référé (n° 20/52223) en faveur de La Poste indiquant, entre autres, que la réévaluation devait comprendre, pour chaque activité de l’entreprise (type de poste et/ou de situation de travail), l’inventaire détaillé des :
risques professionnels liés au covid-19;
aménagements consécutifs dans l’organisation du travail ;
et mesures prévues en cas de contamination avérée ou suspectée.
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